Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les AvenTurques d'Hélène & Julie
Derniers commentaires
13 octobre 2005

Trois jours mémorables (30 Sept - 2 Oct) - 1ère PARTIE

Tout a commencé quand Tom m’a demandé "Vous avez prévu d’aller quelque part le week-end prochain ?". Du coup, nos avons ouvert nos Lonely Planet et nous sommes mis d’accord sur une envie commune : destination l’Est. Goran, enchanté par l’idée, décide de nous accompagner.

Nous nous retrouvons donc, jeudi 29 septembre, dans la gare de bus d’Ankara, gonflés à bloc, excités comme des puces, à attendre un bus qui n’arrive pas. "Problem yok !" (Pas de problème !), cesse de nous répéter l’homme de l’agence de bus, alors qu’il est déjà 23h30 et que nous étions supposé partir une heure avant… Nous avons finalement décollé à minuit. C’est normal, c’est la Turquie.

Une nuit dans un bus, décidément, c’est très inconfortable. Impossible de dormir. Tom et moi discutons de tout et de rien, en attendant la grosse fatigue. Il me parle de sa girlfriend, je lui parle de mes amis (encore plus précieux qu’un boyfriend !) ; puis il m’avoue qu’il est un peu nerveux à l’idée d’aller vers l’Est. Je souris : "Don’t worry, just don’t say you’re American !". Il se marre, puis me demande : "Aren’t you nervous ?". J’y réfléchis… Non, décidément, l’aventure est plus forte ! Je ne suis pas non plus inconsciente : le PKK, la Syrie toute proche, l’Irak pas si loin, puis la pauvreté sans doute, un choc des cultures qui devrait nous changer de Bilkent… Oui je sais tout ça, je ne m'y serais pas aventurée toute seule, mais à ce moment précis, je ne suis pas du tout angoissée. Ça rassure Tom je crois : "I’m glad that you're here, Goran and you !". Nous finissons par nous assoupir (je n’irais pas jusqu’à dire que j’ai dormi…)

Quand nous ouvrons les yeux, c’est le petit matin. Nous sommes baignés par une lumière orangée, tout autour, le genre qu’on n’a pas à Ankara ! Cette fois, la ville est loin : autour de nous, rien que du naturel, du "l’authentique". De grandes plaines au milieu desquelles émergent des collines, encerclées par les brumes matinales. Il fait froid, je crois. Tom rédige ses pensées matinales dans son Black Book ; Goran sourit… Nous sommes épuisés mais nous n’en perdons pas une miette. Il est 7 heures du matin, nous ne devons pas être très loin de la Syrie : la route est encore longue.

Le soleil se lève doucement. J’ai l’impression que tous les paysages sont en contre-jour, c’est une vision bizarre, difficile à décrire : le ciel est très clair, presque blanc, sans nuage. Des montagnes apparaissent sous la forme de gros blocs sombres. Des hameaux avec leurs petits minarets. Des champs (maïs ?). Des vignes (pétillement dans les yeux de Tom : "Look !")

8 heures. L’heure du thé dans le bus, suivi du traditionnel aspergement de mains à l’eau de Cologne, tout ça sur fond de musique turque. La Turquie dedans, la Turquie dehors. Je décide de me plonger dans l’apprentissage de mes verbes turcs… examen ce lundi !

Nous avançons lentement maintenant : la modernité paraît bien lointaine. 9 heures 30. Pause petit dèj’ dans un bled sur la route : un bon café turc qui arrache… Cette fois, il fait très chaud.

dscn1448

10 heures 04. Nous traversons l’Euphrate. Nous roulons résolument vers l’Est. La Syrie est à une dizaine de kilomètres à notre droite. C’est le désert, les villages sont poussiéreux. Tout est très calme. À 11 heures, nous posons nos pieds sur le sol poussiéreux de Şanlıurfa, la "Glorieuse" Urfa.

La minute historique – Extrait du Lonely Planet : " Urfa fut fondée il y a plus de 3500 ans par un peuple appelé Hourrite. Ils formèrent une alliance avec l’Egypte, qui entraîna le culte du dieu solaire (culte religieux, mais également moyen de défier l’influence des Hittites). La ville fut prise par les Hittites, puis par les assyriens, puis Alexandre le Grand arriva à Urfa et l’appela Edesse. Elle succomba ensuite devant les Romains et se convertit très tôt au christianisme (vers 200). Sur la ligne de partage entre l’Empire Romain et l’Empire Perse, Edesse passa de l’une à l’autre des dominations au gré des affrontements. Finalement, les Arabes évincèrent les deux empires en 637 et Edesse connut trois siècles de paix avant que ne reprenne le cortège des invasions : Turcs, Arabes, Arméniens, Byzantins, puis la première croisade en fit un comté latin, qui fut renversé par un émir turc. La perte de la ville mit le pape dans une telle rage qu’il appela à la deuxième croisade (qui n’arriva jamais à destination). Edesse ne devint Urfa qu’en 1637, lorsque les Ottomans s’en emparèrent. En 1984, elle reçut son appellation actuelle, Şanlıurfa ("Urfa la Glorieuse"). "

Bref, tout ça pour dire que cette ville est chargée d’histoire !

Nous prenons un dolmuş pour rallier le centre ville et trouver un hôtel, puis continuons à pieds. Alors que nous marchons, nous avons nos premières impressions, sensations. Ce n’est pas seulement la Turquie ici, c’est surtout le Moyen Orient ! 95 % des femmes sont voilées. En majorité, elles sont habillées "normalement" : longues jupes ou robes parfois colorées, et un châle sur la tête. Cependant, une bonne partie d’entre elles portent carrément le tchador, cette longue robe noire qui ne laisse absolument rien voir, à peine les yeux. Les hommes portent le şalvar, le large pantalon arabe, et beaucoup d’entre eux portent aussi un long foulard sur la tête, à la façon arabe également. Apparemment, Atatürk n’est pas arrivé jusqu’ici.

nemrut_002a

dscn1451

dscn1453

Après avoir posé nos affaires dans un hôtel tranquille et sympathique, nous partons à l’exploration de la ville. J’aurais bien opté pour les manches longues, histoire de ne pas faire trop tâche, mais il fait une chaleur à crever (pis de toute façon, quoi que nous fassions, nous faisons tâche…). J’ai un grand châle à portée de main, au cas ou. Il faut dire que finalement, nous n’avons eu aucun problème à nous intégrer dans la foule : l’hospitalité turque est partout ! Et justement, du fait que nous soyons étrangers, les gens nous parlent, nous demandent d’où nous venons. Quant à Tom, il sera tour à tour Canadien, Anglais, et même Français (non mais, où va-t-on ? :p)… puis finalement, il récupérera sa vraie nationalité : cela ne pose de problème à personne, les gens sont plus curieux qu’antipathiques ! Les enfants nous saluent régulièrement d’un "Hello !", puis s’éloignent en riant.

Nous nous dirigeons vers les lieux de pèlerinage. C'est magnifique : des ensembles de mosquées, de lieux de cultes splendides. La grotte où Abraham serait né et aurait vécu jusqu’à l’âge de 7 ans. Abraham est un prophète majeur dans l’Islam, cet endroit est donc un lieu de la plus haute importance et des pèlerins de partout d’y succèdent à longueur d’année.

À l’entrée de la grotte, nous devons nous séparer : les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Même si cela n’a rien d’une mosquée (c’est une grotte !), on doit agir comme si c’en était une. J’enlève mes chaussures et les pose à l’entrée. Il y a énormément de monde. Je ne me sens pas vraiment à ma place pendant un moment, mais une femme, voilée pratiquement complètement, me fait un grand sourire et me fait comprendre que je ne devrais pas laisser mes chaussures ici, mais les poser à l’intérieur. Je me couvre la tête et les bras, je rentre. À l’intérieur, il n’y a rien de particulier à voir, mais plutôt une ambiance à ressentir : il y a tellement de femmes que je peux à peine circuler. Elles prient, se lavent les mains et les pieds à un petit robinet. Je demande si c’est possible de prendre des photos, et une femme me dit que oui, bien sûr, beaucoup de gens se prennent en photos "là où Abraham est né !". Je ressors de là la tête pleine de sons et d’images…

dscn1459

dscn1460

dscn1461

dscn1462

dscn1464

dscn1467

dscn1468

Nous allons nous promener dans les immenses jardins, faisons une pause thé près d’un petit lac, observons les poissons sacrés d’Abraham… :

nemrut_0321

nemrut_0331

nemrut_035

dscn1489

dscn1492

nemrut_054

nemrut_056

Puis, ascension du kale (citadelle) qui domine la ville. En haut, le trône du roi Nemrod (cité dans la Genèse, et fondateur supposé d’Urfa). Quelques vues spectaculaires :

dscn1478

nemrut_042

dscn1485

dscn1488

Nous redescendons, et allons nous perdre dans le bazar. Un kebab dans une main, nous tentons en vain de conserver un semblant de sens de l’orientation, mais c’est vite peine perdue… Parfois, nous arrivons dans des rues couvertes, d’autres fois dans des cours fermées où les gens boivent le thé, jouent, discutent… Nous n’avons pas pu explorer celle qui nous a paru la plus belle : à peine entrés, je réalise rapidement que quelque chose ne va pas… "Guys, no women in there !". Ils se marrent, nous ressortons… Problem yok. Nous nous arrêtons longtemps au "rayon" des tissus, étoffes, écharpes. C’est un vrai bonheur ! En Turquie, négocier fait partie du jeu, et cela permet souvent de passer de bons moments avec les vendeurs. Ils nous enroulent les écharpes autour de la tête à la mode d'Urfa : je dois admettre que c'est un bon argument de vente, ça marche ! :) Une fois que tout le monde est satisfait du prix et que nous payons, ils nous invitent à prendre le thé, et la conversation continue dans la bonne humeur. C’est ça le business turc !

dscn1496

nemrut_062

nemrut_063

Nous allons visiter une petite mosquée, puis allons nous installer sur la pelouse pour regarder le coucher de soleil sur l'un des plus jolis panoramas.

dscn1498

dscn1500

dscn1502

C’est au moment de l’Appel à la Prière du coucher du soleil que les anges sont arrivés.

Deux petites filles arrivent derrière nous, sans un bruit, et vont chatouiller Goran, puis éclatent de rire. Nous rions avec elles, elles sont curieuses de tout se que nous possédons. Elles veulent nous prendre en photos, nous leur demandons de venir sur les photos avec nous. Elles tombent amoureuses de nos lunettes de soleil. Elles rient, nous nous parlons avec des sons et des gestes : le plus simple des langages, mais nous nous comprenons ! Nous avons compris qu’elles étaient sans doute pauvres, et elles sont d’une telle gentillesse que nous décidons de les emmener manger quelque part. Nous trouvons un petit kebab et allons nous installer tous les cinq. Après la commande, je frotte mes mains pour leur faire comprendre qu’il faut que nous allions nous laver les mains. Nous allons au petit lavabo entre filles. Je réalise qu’elles me traitent comme une reine, elles me passent le savon, veulent que j’y aille en premier… L’une d’elle a une égratignure sur le nez qui saigne, je lui nettoie et elle me remercie d’un énorme sourire. Alors que les garçons vont à leur tour se laver les mains, je réalise soudainement quelque chose : l’une d’entre elles est sourde. Nous qui pensions qu’elle ne parlait qu’avec des sons et des gestes parce qu’elle avait compris que nous étions étrangers… Non, elle est sourde, et la seconde parle le langage des signes avec elle, et nous baragouinons notre turc avec elle. Elles portent des bracelets, nous leur demandons qui leur a offert : elles citent des prénoms, des tas de prénoms… Elles ont beaucoup d’amis, comme elles, sans toits ni parents. Nous avons beaucoup ri, beaucoup trinqué. Elles nous resservent de l’eau dès que notre verre est vide, s’occupent de la moindre petite chose. Nous retournons nous laver les mains après le repas. Elles m’essuient les mains, alors je fais de même. Elles me prennent dans leur bras, je me demande si quelqu’un s’est déjà occupé d’elles, ne serait-ce qu’un tout petit peu. Elles nous remercient d’avoir mangé avec elles, et elles remercient le ciel aussi : elles ont été un cadeau pour nous, et nous avons été un cadeau pour elles. Nous devons les quitter, nous leur disons que nous allons dormir. Elles nous montrent le ciel, les étoiles… C’est leur toit, bien sûr. Je les sers encore une fois dans mes bras. Nous nous éloignons alors que retentit une dernière fois l’Appel à la Prière, qui tout d’un coup prend un sens nouveau dans mes oreilles ! Je ne sais pas trop si je devrais rire ou pleurer, j’opte pour le silence… de même que Goran et Tom.

dscn1524

dscn1525

dscn1528

nemrut_090

Après une bonne douche, nous finissons la soirée tranquillement à l’hôtel autour d’une bière et d’une espèce de noi(sette ?) indéterminée mais délicieuse, puis allons nous coucher… Il est temps !

(à suivre... dans la 2ème partie)

Publicité
Publicité
Commentaires
P
franchement, Julie, bravo pour ton commentaire, on s'y croirait, c'est merveilleux ! J'ai décidement hate du mois prochain vu qu'il est prévu que j'aille aussi à Urfa et Nemrut Dagi avec surement Fanny, Laurent, Phil, Maja...<br /> bisousssssss
J
Si vous continuez comme ça, je connais des "tour operator" qui vont fermer (ou faire fortune, suivant!). C'est vraiment de toute beauté ! Avant d'avoir vu vos photos, j'aurais bien montré les miennes de Karlsruhe, mais là je suis sur la touche !<br /> Enfin... Disons le simplement : Ca donne vraiment envie!<br /> (à suivre...)
Les AvenTurques d'Hélène & Julie
Publicité
Archives
Publicité